Afin
de participer activement au jeu de madame Akynou, mais, comme
d'habitude en laissant libre cours à ma libre interprétation du jeu,
voici la lettre de motivation demandée.
L'approche en est bien sûr différente de la forme demandée mais j'aime aller dans un sens inattendu.
Partant du principe que "c'est déjà bien assez d'être pauvre, si en
plus il faut se priver" je préfère, comme l'enseignent les arts
martiaux, laisser l'adversaire faire l'effort qui le foutra par terre en
poussant dans le sens où il tire.
L'efficacité du piège est d'ailleurs démontrée avec éclat par la réponse de l'employeur sollicité.
Je sais, comme d'habitude j'en fais trop en me laissant aller avec
délices à ma propension naturelle à tartiner pour pas grand'chose, mais
bon, après tout c'est mon blog, pas la mine. Mmmh ?
Le Goût des Autres
Monsieur le Directeur des Ressources Humaines de "Mourez, nous ferons le reste La retraite enchantée"..
Si je tiens absolument à travailler dans votre mouroir
résidence pour seniors, c'est qu'après avoir pesé les avantages et les
inconvénients du poste de brancardier que vous proposez vis a vis des
postes d'hôte de caisse chez Casifour ou de manutentionnaire manager de rayon chez Carrechan il m'est apparu que vous l'emportiez haut la main.
Ce n'est évidemment pas le salaire qui est l'élément déterminant
puisque vous proposez tous le même, soit 8.86 euros bruts de l'heure.
Pas plus le fait que, pour maintenir chez les salariés une obéissance
de bon aloi, vous et vos pareils proposez des horaires qui, pour réduits
qu'ils soient, mobilisent entre huit et douze heures par jour pour un
horaire effectivement payé ne dépassant pas vingt à trente heures par
semaine étalées parfois sur six jours.
Non, ce qui m'a conduit à
opter pour l'emploi passionnant que vous proposez, c'est l'absence de
risque inhérent au métier de brancardier dans une maison de retraite
telle que la vôtre.
En effet, considérez, Monsieur le Directeur des
Ressources Humaines, que le poste d'hôte de caisse, outre la tentation
bien compréhensible, vu la modicité de la rétribution allouée, de
confondre le tiroir caisse avec sa poche, il y a le risque inacceptable
de prendre un mauvais coup dû à la panique d'un braqueur au son de la
sirène déclenchée par un collègue, héros à peu de frais, le braqueur
n'étant pas devant sa caisse mais devant la mienne.
Considérez aussi, Monsieur le Directeur des Ressources Humaines, que la tentation est bien grande, pour un manutentionnaire
Manager de Rayon, de chaparder la boîte de cassoulet qui lui permettra
le seul repas un peu nourrissant de la journée, repas que ses maigres
émoluments ne lui permettraient qu'une fois par semaine. Toutes
tentations qui conduisent inéluctablement au licenciement pour faute
lourde…
Tandis que dans votre petite entreprise de pompage des ressources des vieillards maison de retraite, Monsieur le Directeur des Ressources Humaines, le risque encouru par le brancardier est quasiment nul.
En effet, dans votre mouroir
Résidence pour Seniors, qui irait se plaindre de la glissade fatale
d'un impotent ? Qui songerait à réprimander le brancardier qui échappe
malencontreusement la vieillarde qui a un pied dans la tombe et du coup
le deuxième, celle-là même qui appelle à longueur de journée les trois
infirmières qui s'occupent de vos deux cents pensionnaires ? Le fait de
ramasser un porte-monnaie qui traîne négligemment sur une table de nuit
n'est pas répréhensible, d'autant que les vieux perdent souvent la tête
et donc leur porte-monnaie.
Voilà pourquoi, Monsieur le Directeur
des Ressources Humaines, je tiens absolument à travailler dans votre
Résidence pour Seniors.
Surtout que vous serez absolument assuré de
ma discrétion si, par un hasard malencontreux, j'en venais à remarquer,
comme lors de mon premier entretien avec vous, que certaines de vos
infirmières, surmenées par des journées de douze heures, dont trois
heures supplémentaires rémunérées 10,08 euros brut, ne peuvent se
retenir de gifler certaines pensionnaires baignant dans leurs
déjections.
Et puis il y a la prime impromptue de ce métier: Le
brancardier ne travaille pas en permanence pendant sa vacation. Ce qui
amène le salaire réel par heure de travail quasiment à des émoluments de
cadre supérieur.
Cette dernière remarque montre bien que je suis
tout à fait conscient des impératifs qui s’imposent à toute entreprise
moderne et soucieuse du dividende versé.
Direction des ressources humaines de "Mourez, nous ferons le reste La retraite enchantée".
Monsieur Le-gout-des-autres.
Votre candidature, extrêmement spontanée, et votre lettre de motivation ont retenu mon attention.
Toutefois, je me dois de vous dire que l'approche que vous avez du
noble métier de brancardier n'est pas tout à fait conforme à celle que
nous nous faisons de ce métier qui tient plus du sacerdoce que de
l’emploi courant.
Ce qui nous a, la direction et moi-même, le plus
troublé dans votre lettre de motivation est la légèreté avec laquelle
vous prenez les impératifs comptables, sévères mais justifiés, qui sont
imposés à toute entreprise soucieuse du bien-être et du niveau de vie de
l'actionnaire.
Dans cette lettre vous remarquez, à juste titre
d'ailleurs, qu'un brancardier n'accorde pas la totalité de son temps au
travail pour lequel il est grassement rétribué aux dépens des profits
nets de l'entreprise.
Vous allez même jusqu'à comparer le salaire réel du brancardier aux émoluments d'un cadre supérieur.
Cette saine perception du travail en général et de celui de brancardier
en particulier a attiré l'attention de la direction générale.
Celle-ci, lassée par le laxisme du personnel de surveillance du
personnel, s'est posée l'éternelle question "Quis custodiet ipsos
custodes ? " et a abouti à la conclusion que vous êtes le mieux placé
pour assumer cette tâche, noble entre toutes: surveiller vos pareils.
Vous semblez en effet prompt à remarquer tout chapardage, toute
tentative de tirer au flanc et à repérer le fumeur de chichon entre deux
transports à l'hôpital le plus proche.
Connaissant tout comme
vous les tentations induites par la modicité des salaires et sentant en
vous l'entrepreneur né, prêt à se sacrifier pour l'entreprise pour peu
que celle-ci sache le voir et le récompenser, la Direction Générale a
décidé, dans sa foi dans la libre entreprise et l'efficacité de la
récompense des mérites du travailleur dévoué, de vous allouer, en plus
du généreux salaire de 8.86 € bruts de l'heure passant à 10.08 € bruts
de l'heure au delà de 35 heures par semaine, la prime exceptionnelle de
10% sur les heures retenues à vos collègues moins assidus ainsi que 5%
sur la totalité des heures non payées pour cause de non travail
effectif, travail non effectué que vous aurez la charge de vérifier et
noter heure par heure pour la totalité de vos collègues.
Bienvenue chez "Mourez, nous ferons le reste La retraite enchantée ", Monsieur le-gout-des-autres.
Nous attendons, une réponse positive à notre offre, réponse que vous ne
manquerez pas, j’en suis sûr, de nous faire parvenir par retour du
courrier…