La fête, par Anna

C’était gentil de leur part, vraiment. Organiser une fête d’anniversaire à la maison pour mes 80 ans, inviter tout le monde, jouer la fiction de la famille unie… C’est pas qu’ils ne s’aiment pas, mais tout de même, je le sais bien que tous nos enfants ne s’entendent pas comme larrons en foire. Ils sont mignons de faire l’effort. Au moins, il y a les petits.

Tiens, en parlant d’eux ! J’en vois deux qui vont en chercher deux autres et encore trois, et qui discutent, tout excités, en montrant un papier. Ils me regardent en coin. On dirait qu’ils aimeraient me demander quelque chose, mais ils n’osent pas trop. Je m’approche doucement, et je leur demande ce qu’ils font.

“Regarde Grand-Mère ! C’est Grand-Père, hein ?”

C’est lui, en effet. Mais qu’est-ce qui les énerve tant dans cette vieille photo ?

“Alors, Grand-Mère, Grand-Père était un cow-boy ?”

Est-ce que je dois leur dire que la photo date de nos trois semaines en Australie, le jour où il a acheté ce chapeau qui doit d’ailleurs traîner aujourd’hui quelque part au grenier, et que c’est moi qui l’ai prise ? On ne doit pas mentir aux enfants. Mais pourquoi faire s’éteindre leurs petites mines pleines d’espoir ?

Je les ai bien regardés, l’un après l’autre, droit dans les yeux. J’ai posé un doigt sur mes lèvres. Chuuuuuuut…



Ce texte est la participation d'Anna au cinquième diptyque d’Akynou, quatrième semaine - il s’agissait d’écrire un texte inspiré par la photo ci-dessus, prise par Michel Clair.