Rupture, par Luce

Je suis assise dans ce bar Parisien, seule depuis une bonne heure. Mon verre est vide, les olives sont mangées. Je reste là, hébétée, sous le choc. Il y a une heure j'avais rendez vous avec mon homme, mon amant. il y a une heure, je faisais partie des filles heureuses en ménage, je faisais l'envie de mes copines célibataires, je marchais d'un pas léger, amoureux, dans cette sorte de sécurité qu'offre le sentiment d'être aimer. Il y a une heure, je sirotais un martini, croquais ces olives en ne me souciant pas de leur amertume.
Il y a une heure, mon amoureux, mon amant, s'est assis en face de moi. Il ne m'a pas embrassé. Mon cœur s'est noué instinctivement. Il n'a rien commandé, il a dit cette fameuse phrase détestable "faut qu'on parle". Mais il n'a pas parlé, comme s'il attendait de moi quelque chose. J'ai dit : "c'est grave ?" Il a sourit méchamment, il a haussé les épaules. "Tu te doute bien de quoi non ?" Non je ne me doutais pas, de rien. Non, je n'ai rien vu, rien senti, rien compris, rien anticipé. Devant mon air ignorant, il a eu un regard ulcéré, il a lâché ça avec un tel mépris. "je suis tombé amoureux", mais je n'ai pas compris ce que ça voulait dire, j'ai répondu "moi aussi je t'aime". Il a soupiré, il a dit "pas de toi, d'une autre femme".

Je n'ai rien dit, je n'ai rien trouvé à dire, c'était une telle explosion de douleur en moi. Je ne sais pas combien de temps il est resté là, silencieux. Je ne sais même pas quand il est parti. Je sais juste que ça fait une heure que je suis devant mon verre vide, mes noyaux d'olives et que Je regarde l'étrange géométrie des objets sur la table.

C'est le Dyptique 5.3 de Luce. Il s'agit d'écrire un texte à partir de la photo de Bladsurb