C'est quand le bonheur…

"Le bonheur vient-il de ces deux mots : la bonne heure? Cela voudrait-il dire qu'il vient toujours à la bonne heure? Le bonheur est-il ponctuel ? Et si oui, sait-on jamais quelle est son heure ? Par exemple, on peut l'attendre à midi. Et lui, il est arrivé à 11. Et alors, on le rate..."
Alexandre regardait son père plein d'espoir. Il avait toujours plein de questions importantes qui le tarabustaient. Il essayait de trouver des réponses, mais il voyait bien que de temps en temps, il tournait en rond. Alors, il allait voir son père : « Papa, c'est quand le bonheur ? »
Marc posa son journal en soupirant. Il aurait bien aimé, de temps en temps, imiter la pub de chez Lac*tel et lui expliquer ce qu'était une bouteille de lait. Parce qu'est-ce qu'elle étaient compliquées les questions de son garçon. Alexandre le regardait toujours...
– Tu sais mon grand, je ne crois pas que bonheur vienne de bonne heure... Il me semble qu'il s'agit d'un autre mot. Tu veux que je cherche dans le dictionnaire ?
–…
– Allez vient, on va regarder ça.
Alexandre et son père se dirigèrent vers la bibliothèque. L'enfant était particulier. A 7 ans, il s'intéressait à tout autre chose que les gamins de son âge. Pas de ballon rond, pas de bagarres avec les copains. Il passait son temps à observer les autres, à rêver et à poser des questions compliquées. Mais il n'était pas précoce pour autant. Il ne lisait ni mieux ni moins bien que ses petits camarades et ne progressait pas vraiment plus vite. Non, il était juste très différent. « J'étais comme lui à son âge, disait son grand-père pour rassurer Marc. Mais celui-ci n'y croyait qu'à moitié...
Le père choisit un gros dictionnaire d'éthymologie et proposa à son fils de chercher le mot. Alexandre ne savait pas encore bien lire. Mais il aimait cet exercice difficile, quoi que très logique. En tirant légèrement la langue, il tournait les pages avec application. Puis il arriva au mot qu'il cherchait. Son père lu : « 1. “fatalité heureuse, chance” ; 1668 par bonheur locution adverbiale (La Font., Fab., VI, 3 dans Rob.); 2. XVe s. « bien être, félicité » (Froiss., I, I, 41 dans Littré); cf. 1534 (Rabelais, Gargantua., I, 58, ibid.). Composé de bon1* et de heur*. »
Ha, tu vois, je t'avais dit que cela ne venait pas d'heure, mais d'heur.
– heur ? Sans "e" ?
– Eh bien oui, sinon on l'écrirait bonheure.
– Et qu'est-ce que ça veut dire ?
– « sort, fatalité, destin ». Le bonheur, c'est une bonne fatalité. Quelque chose que le destin nous réserve, auquel on ne s'attend pas, et qui vient comme ça. Tu vois, dans ce cas, il ne peut pas être ponctuel...
Alexandre baissa la tête.
– Dommage...
– Pourquoi ?
– Ben parce que sinon, j'aurais été l'attendre...



Ceci est ma dernière participation au jeu Kozliko-Samantadien du sablier d'automne. Chaque soir à 22 heures, l'une d'entre elles nous donne l'amorce d'un texte piqué sur un blog. Il faut en écrire la suite et la publier sur notre blog avant 10 heures le lendemain matin. Et mettre un message sous le billet ou le jeu est lancé

Voilàààààààà