Terres du son, premier jour

Terres du son, premier jour

Terres du son, premier jour

Laure
Photos : Laure Colmant

Terres du son est le rendez-vous incontournable de la musique dans la région de Tours. Le chateau de Candé, à Monts, lui sert d’écrin. Et c’est parti pour trois jours intenses de musique.

Ce festival, c’est d’abord des milliers de bénévoles et une organisation réglée comme du papier à musique. On peut venir à pied, en vélo ou en voiture, on est accueilli de même. Un immense champs et une multitude de bénévoles accueillent les automobiles, indiquent où et comment se garer. L’astuce, c’est d’arrivée au début d’une nouvelle rangée, pour être au plus près de l’entrée. Beaucoup moins de marche à pied et, surtout, beaucoup plus facile pour retrouver son carrosse le soir.

28333690355_2fcbdb7943_cLe moment désagréable, c’est la fouille. L’an dernier on se contentait de fouiller les sacs. Cette année, risque d’attentat oblige, il y a palpation. A priori, ça ne devrait pas poser de problème. Mais ma ruse pour faire entrer mon appareil photo risque d’être éventée.

L’an passé, je séparais l’objectif de mon boitier. Je les mettais chacun dans une des poches de mon pantalon (très grandes poches) recouvert d’une tunique. Mais avec la fouille au corps, évidemment, c’est beaucoup plus compliqué. Mon objectif est découvert. Heureusement, pas mon boitier qui dort de l’autre côté. Je peux expliquer que cet objectif ne m’appartient pas et que je viens le rendre à son propriétaire qui est un exposant… La femme tique, hésite à se décider. Elle me renverrait bien dans ma voiture. Mais son chef intervient et lui demande de me laisser passer.

Tous les ans je demande au service de presse l’autorisation de passer mon appareil photo. Et tous les ans, ma demande est traitée par le mépris. Ce n’est pas qu’on me la refuse. On ne me répond même pas. Pourtant je paie ma place. C’est cela qui doit leur sembler louche. Or j’adore prendre des photos de concert. J’ai besoin de m’occuper les mains et les yeux. J’ai passé l’âge de me secouer dans tous les sens ou de faire le pogo. Prendre des photos, c’est bien.

Aujourd’hui, j’ai gagné.

Cosmo Sheldrake sous le chapiteau

Tout le parc autour du château est occupé par le village de Terres du son. Des stands en tout genre, écologie, bouffe, produits du terroir, bouffe, boisson, bouffe. Beaucoup de nourritures. On peut venir dans ce village eco responsable même sans avoir de billets pour les concerts qui ont lieu beaucoup plus loin. C’est gai, bouillant de monde, une vraie cour des miracles du moyen âge, pouilleux compris.

Le chemin est long pour arriver jusqu’au contrôle des billets. On nous enserre le poignet à l’aide d’un ruban aux couleurs du festival et que nous devront garder les trois jours durant. On continue de marcher pour déboucher sur une immense esplanade sur laquelle sont plantée quatre scènes dont une sous chapiteau, une série de chapiteaux qui abritent les caisses, la bouffe, le bar. Et puis les toilettes publiques et écolo.

Les filles m’entraînent sous le chapiteaux pour me faire découvrir Cosmo Sheldrake, un jeune homme qui joue de machines, de loops et de sa voie. Un electro funk sympa balancé par un jeune Anglais avenant qui est capable de faire un live dans une piscine.

Pour le moment, nous sommes sous un chapiteau aux couleurs rouges, et c’est très bien comme cela. Sa musique, inventive, met de bonne humeur. On a l’impression d’assister à la boom d’un bon copain, mais un copain surdoué.

Il est 17h45, sur la scène du Biloba commence le concert de La Maison Tellier. C’est le round d’échauffement pour le festival. Musiciens au top, du guitariste au trompettiste qui joue également du cor, et voix chaude qui distille un folk rock francophone délicat, mélancolique, presque désabusé.

Terres du son, 12e édition - 2016 – Jour 1Il faut dire que ces débuts sont difficiles. Le public est clairsemé, surtout si on le compare au concert de l’an passé à la même heure qui accueillait Izia. Et il flotte comme un désenchantement autour du leader. Mais la mayonnaise fini par prendre.

Il fait grand beau. La scène, orientée plein ouest, est écrasée de soleil. « Il fait chaud en Touraine » se plaint le chanteur qui vante pourtant le charme de ce premier festival de l’été. Sur la scène Biloba, il a de la chance. Il craint moins la poussière qu’ailleurs. Il faut juste ne pas craindre le rhume des foins.

Les chansons passent. L’une d’elle parle de l’abolition de la peine de mort, on entend la voix de Badinter, mélangée à celle de Gainsbourg qui se moque de Witney Houston puis à celle d’un politicien qui évoque le nuage de Tchernobyl longeant la frontière française. Curieux mélange dont on ne comprend pas vraiment le sens. La suivant n’est pas beaucoup plus clair. Mais le son est énorme.

Après le désenchantement de la Maison Tellier, les jumelles frano-cubaine yoruba d’Ibeyi. Belles comme le soleil, chaleureuses, musiciennes, modernes qui convoquent les rythmes ancestraux, elles ont des voix superbes. Le public est arrivé en masse. Ça chante et ça danse. Les voix s’emmêlent, se relaient. L’une, vêtue de noir, est aux claviers. L’autre grande chemise blanche est aux percussions. Pas d’autres musiciens. Elles se suffisent à elles-mêmes. Elles nous font danser, nous font rire, nous émeuvent quand elles chantent pour leur grande sœur, pour leur père, pour tous ceux qui sont partis.

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Elles quittent leurs instruments grâce aux boucles et viennent sur le devant de la scène pour communier et chanter avec leur public. C’est un super chouette moment. Là encore, c’est comme si on faisait la fête avec deux copines que l’on viendrait de rencontrer. On se sent accueilli, on se sent en famille et on se sent bien.

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Le troisième concert se termine et on a à peine le temps de rejoindre la scène suivante.

A Biloba, Biga Ranx and friends, le local de l’étape produit un bon gros reggae sound machine, bien dansant et bien bruyant aussi. Sur l’herbe de Candé, ça danse de partout.

Les gamins sautent dans tous les sens. Compliqué pour prendre des photos. Mais j’y arrive. Mes filles ne sont pas les dernières à s’éclater. Mais le son est trop fort, je m’éloigne. Derrière, plus loin, on entend tout aussi bien. Et on n’est pas balloté de partout. On peut même s’assoir. Il est plus de 21 heures et je suis affamée.

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A la fin du reggae, retour vers Gingko où se produit Lilli Wood And the Pricks. Je ne suis pas une grande fan. Je prends quelques photos puis je laisse ma place. Un tour au bar, je croise des connaissances. La nuit tombe dans un somptueux coucher de soleil sur les chapiteaux et sur la bigarure des gens. Il y a déjà de la viande saoule. Mais cela reste bon enfant.

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Santa, la chanteuse d'Hyphen Hyphen

Je vais m’installer devant la scène Biloba. Juste devant la scène. Le concert suivant commence dans une demi-heure mais je veux être bien placée. C’est un désir un peu masochiste. Je sais que je vais me faire bousculer. Et c’est juste rien de le dire. Doit se produire la révélation aux Victoires de la musique, les très déjantés Hyphen Hyphen. Je serai dans la fosse en quelque sorte.

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En attendant, je suis dans la fosse à moustiques. Ils attaquent tout ce qui bouge et aussi ce qui ne bouge pas. Avec les inondations du mois précédent et la chaleur de ce début juillet, ils sont plus mordant que jamais. Une bonne âme partage sa lotion. La foule arrive. Nous nous relevons. Les bénévoles qui nous surveillent distribuent des boules quiès. J’enfile les miennes. Je suis un peu trop près des enceintes.

Hyphen Hyphen, c’est un spectacle total. Santa, chanteuse et guitariste, est à elle seule un phénomène. En transe perpétuelle. Du bonheur en barre hyperprotéïné qui saute partout tel un cabrit et court dans tous les sens. Rien qu’à la voir, on s’épuise. J’adore sa voix profonde, puissante, vibrante.

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Santa prête à se jeter dans la fosse aux lions…

Dans la fosse, ça ne vaut pas mieux. Autour de moi, ça saute, ça danse, enfin, ça saute surtout. Deux nénettes derrière moi sont déchaînées. L’une d’elle a réussi à agripper la barrière qui nous sépare de la scène et me laboure les côtes de grands coups. L’autre me botte le train avec son sac à main porté en bandoulière. Pour prendre des photos, c’est un peu compliqué. Et douloureux.

La chanteuse me paraît un peu enrhumée. J’enlève mes boules quiès et j’ai l’impression de me prendre un 747 au décollage dans les oreilles. Je mitraille car le spectacle est détonnant. Je découvre plein de nouveaux titres. On entend toujours les mêmes à la radio et à la télé. Je finis même par me mettre à danser. En priant que les membres de l’organisation qui filment les spectateurs veuille bien m’épargner.

Le concert passe à une allure record. Déjà, le dernier morceau est annoncé. Sauf que. Le morceau le plus connu n’a jamais été joué. Ma fille st toute déçue. Je la rassure en lui disant qu’il la garde pour le vrai final. En fin de rappel, le groupe est généreux. Il nous gratifie de trois morceaux supplémentaires. La chanteuse se jette dans la foule, elle surfe, elle nage sur les spectateurs. Revient sur scène en roulé boulé, saute, danse, court, brandie le pied du micro et lance le dernier morceau, le tube, le bouquet final. C’est juste… ENORME.

On est attrapé par la fête, on crit, on hurle, on rit, on danse et on saute. Nous sommes Hyphen Hyphen hurle une dernière fois la chanteuse. Nous ne sommes pas prêt de l’oublier.

La fête n’est pas finie. Les filles m’entraînent vers Ginko et le concert de Mr Oizo. Il est minuit, c’est mon septième concert de la journée. La foule est dense, compacte, les basses agressives. Et pour regarder un mec derrière sa console, je n’ai pas besoin d’être collée à la scène. Je laisse Léone et je m’en vais me réfugier sous le chapiteau sous lequel sont installées chaises et tables. Et je suis parfaitement bien le concert. J’envoie un SMS aux filles pour leur dire où je suis et j’attends tranquillement.

« Et moi qui ai tellement bu. Et je tombe sur une de mes anciens profs. Oh j’ai honte. »

Ce week-end, je vais écouter beaucoup de musique électro. Sans être spécialiste du genre, le festival multiplie les artistes du genre. Mr Oizo ne fait pas partie des artistes que j’apprécie. Beaucoup de basses, ça cueille au dessous de la ceinture. C’est facile et sans vraiment d’imagination. Mais bon, confortablement installée loin des baffles, cela reste audible.

Soudain, un sweat frappé au signe de mon école fait irruption dans mon champ de vision. Une de mes anciennes étudiantes dedans. Quand elle me voit à son tour, elle est au comble de la confusion : « Oh ! Et moi qui ai tellement bu. Et je tombe sur un de mes anciens profs. Oh j’ai honte. » je la rassure. Je ne suis plus son enseignante. Nous sommes ici pour faire la fête. Et elle fait ce qu’elle veut… Elle me fait rire.

Le concert prend fin. Mes filles arrivent. Je récupère la carte mémoire et la batterie de mon appareil photo et le confie à une amie de Garance qui dort au camping du festival. Cela m’évitera de repasser le contrôle demain.

Nous rentrons à la maison. Les filles sont affamées. Nous nous faisons un petit déjeuner. Un grand chocolat chaud, du pain grillé à défaut de croissants. J’ai raconté aux filles que lorsque je rentrais au petit jour, je m’arrêtais à une boulangerie pour acheter baguettes et croissants. Que je consommais avec un bon chocolat chaud. Puis j’allais me coucher. Du coup, nous faisons pareil. Mais avant de rejoindre ma chambre, j’arrose le jardin. Il est 3 heures du matin. J’ai pris cinq cents photos.

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